La place du piano intrigue : lourd, il est indéplaçable une fois posé. Nombreuses sont les anecdotes qui le lient aux déplacements, déménagements, emménagements. Il n’est pourtant jouable qu’une fois installé, stable. Instrument irrémédiablement lié à l’habitat, ou au logement. Par son poids, cloué au sol.
Petit bémol, c’est pourtant dans les déplacements, à la fois virtuels et réels que je l’enregistre :
De Rennes à Bruxelles avec la pièce Quitter/Recréer le château (occasion d’ailleurs de notre première collaboration avec AB records). En visite dans une villa grand luxe sur les hauteurs de Bruxelles avec Brève Grandeur.
Et carrément en itinérance, de retour à Rennes en 2019, sans piano ni habitat, sonnant de porte en porte dans une recherche cavalière d’une maison accueillante et d’un piano d’emprunt dans la pièce « n°37 rue Anatole le Braz ».
Dans cette nouvelle pièce située entre le podcast et le solo piano nommée comme un rappel Ni le matin /ni l’après midi, j’ai trouvé une manière d’épargner mon dos et de porter le lourd instrument hors les murs par de simples subterfuges audio.
Automne 2019, à Betton, sans-le-sou, j’ai trouvé refuge chez ma mère.
A ce moment là, je ramasse les pommes en grimpant aux arbres et le soir je joue sur le piano qu’on finit par louer pour adoucir la peine due au travail à temps plein (ou vide, du coup). Le soleil ne pénètre jamais dans la petite chambre située au nord de l’appartement et il faut replier le clic-clac pour pouvoir positionner convenablement le siège devant le piano. La saison avance, les feuilles se rassemblent au sol et mes doigts, le matin maintenant, s’échauffent en déliés avant d’aller trier et presser les pommes à cidre jusqu’à la nuit.
Ni le matin, Ni l’après-midi
FACE A
Ni le matin...
Betton, 7, allée du Scorff, le lotissement lugubre grignotte petit à petit la campagne à coup de révision de PLU, avec un joli nom de ruisseau breton comme si ça coulait de source. Avant, à la clôture du jardinet il y avait des vaches, depuis, les voisins constructeurs ont deux paniers de baskets et deux tracteurs-tondeuses de deux tailles différentes, un petit et un grand. La zone est parfaitement pensée pour qui part travailler
au bureau le matin et rentre le soir, la journée est entièrement vide :
clapoti de la boite à lettres, feuilles mortes et vent doux. Les cris d’enfants, c’est le mercredi après-midi dans le parc et le soir, à 17 heures: balais coordonné des voitures qui se garent à
intervalles réguliers. Propice à l’accentuation des remises en question d’un urbanisme technique pro-capitaliste et de nos manières d’être. C’est sans vie, ni le matin...
FACE B
/...ni l’après-midi.
En fin d’après-midi, peu après avoir entendu les nouvelles tours hurlantes du quartier Plaine de Baud qui sonnent pour moi comme le summum de l’inconfortable, un nouveau déplacement s’opère dans le décor. Nous voilà 15 kilomètres au sud-est de Betton, à Rennes, à l’îlot U. Tentative éphémère d’habitat (au beau sens d’Heidegger) d’un oasis
urbain déclenchée entre amis à l’issue du confinement. Ici nous vivons le plein présent et les choses sont aménagées chichement pour aller plus lentement. La vie n’a, me semble-t-il, jamais été aussi belle. Ici, on ne loge pas, on habite, on s’essaye à prendre soin de la terre, du ciel, des animaux et des humains tout en même temps.
Des feuilles mortes toujours, mais aussi d’autres, bien vivantes, celles des fruits, des légumes et des arbres qui poussent à nos côtés.
Bémol encore, le piano dans Sa majesté ne saurait y trouver sa place sans se blesser de l’humidité, il faut encore ruser. Gros dilemme, toujours irrésolu. On peut imaginer le piano enfermé dans un camion de déménagement, tournant depuis six mois autour d’un rond point (ce non-lieu) en l’attente d’une direction. Dans son dos, le paysage
tourne alors qu’il se désaccorde. Le terrain glisse derrière cet enregistrement de mars 2020, réalisé à l’école de musique de Betton, non sans regret de ne pas avoir pu réellement déplacer le piano, pour plus d’aspérité. On peut quand même m’entendre respirer et tousser, c’est déjà ça. J’espère que vous apprécierez.
Un grand merci à Magenta skateboards et AB records et à mes amis
Victoria Palacios, Sébastien Riollier, Louis Deschamps et Adèle Husson.
La peinture de la pochette est peinte par Victoria Palacios, fidèle peintre
de mes pochettes et Sébastien Riollier s’est occupé de la mise en page.
Mastering par Antoine Nouel au Sound Love Studio (Vaulx-En-Velin)
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